Droits et devoirs des demandeurs d’emploi

Publié le 29 Juillet 2008

La loi relative aux « droits et devoirs des demandeurs d’emploi » a été définitivement adoptée mercredi 23 juillet. C’est un dispositif organisé par paliers de 3, 6 et 12 mois prévoyant une radiation des listes un chômeur ayant refusé « sans motif légitime à deux reprises une offre raisonnable d’emploi ».


La réforme repose sur une logique d’engagements réciproques : le service public de l’emploi s’engage à mettre en œuvre toutes les actions jugées nécessaires pour faciliter le retour à l’emploi et propose des offres considérées comme raisonnables. En contrepartie, le demandeur d’emploi s’engage à accepter ces offres et pourra être sanctionné en cas de refus répété.


Cet engagement réciproque prend forme au travers d’un projet personnalisé d’accès à l’emploi (PPAE) élaboré conjointement par le service public de l’emploi et le demandeur d’emploi.


 

Cette réforme s’inscrit dans la suite de la réorganisation des services de l’ANPE et de l’UNEDIC et constitue l'un des leviers de réforme dans le but de réduire à 5 % le taux de chômage à l'horizon 2012.

 

 

► L’offre raisonnable d’emploi : une définition nécessaire et en ligne avec les pratiques européennes

 

Le droit à l’indemnisation du chômage a pour contrepartie l’obligation de rechercher activement un emploi et d’accepter des actions favorisant le retour à l’emploi. Ce principe est appliqué par l’ensemble des Etats européens.


La sanction du refus d’un emploi convenable suppose la définition préalable d’une notion d’offre raisonnable d’emploi. Dans la plupart des pays et à la différence de la France, cette notion repose sur des critères objectifs précis pouvant revêtir un caractère quantitatif, relatif par exemple au temps de trajet ou au niveau minimal de rémunération acceptable.


Ainsi, les Pays-Bas s’apprêtent à sanctionner le demandeur d’emploi dès le premier refus (article publié dans Le Monde du 6/7 juillet).


L’existence de ces critères évite de laisser la place à des interprétations variables par les acteurs concernés, c'est-à-dire à la fois à l’inéquité et à l’inefficacité.


Elaboration conjointe du PPAE :


L’article 1er introduit un article L. 5411-6 dans le code du travail qui prévoit que le projet personnalisé d’accès à l’emploi (PPAE) sera élaboré et actualisé conjointement par le demandeur d’emploi et la nouvelle institution.


Marie-Christine Dalloz a amendé également le texte afin que soit précisé qu’un demandeur ne peut pas non plus être tenu d'accepter un emploi à temps partiel si son PPAE prévoit que le ou les emplois recherchés sont à temps complet. Cette précision permet de couper court aux arguments de l’opposition qui accusait le PPAE d’être un moyen de précariser les demandeurs d’emploi. Le PPAE périmètre les critères de recherche afin que les obligations réciproques du service public et du demandeur d’emploi soient claires et vérifiables, et non pas pour tirer vers le bas les salariés.


Engagement du service public de l’emploi :


Le texte indique que le projet personnalisé d’accès à l’emploi doit retracer les actions que l’institution s’engage à mettre en œuvre dans le cadre du service public de l’emploi en matière :

  • - d’accompagnement personnalisé,
  • - de formation,
  • - d’aide à la mobilité.

Critères de l’offre raisonnable d’emploi :


Le projet précisera la nature et les caractéristiques de l’emploi recherché, la zone géographique dans laquelle le demandeur recherche un emploi ainsi que le niveau du salaire attendu.


Le texte a été complété par les parlementaires pour préciser plus clairement les éléments constitutifs de l'offre raisonnable d'emploi qui seront définis en tenant compte de la formation du demandeur d’emploi, de ses qualifications, de ses compétences et expériences professionnelles, de sa situation personnelle et familiale, ainsi que de la situation du marché du travail local.


Les critères de « l’offre raisonnable d’emploi » introduits par le texte évoluent dans le temps, partant du principe qu’il est normal d’élargir le champ de la recherche après une certaine durée de chômage (article L. 5411-6-3).


Les parlementaires ont également fait préciser dans le texte que les nouvelles dispositions législatives ne peuvent obliger un demandeur d'emploi à accepter un niveau de salaire inférieur au salaire normalement pratiqué dans la région et pour la profession concernée. De plus, elles s'appliquent sous réserve des autres dispositions légales et des stipulations conventionnelles en vigueur, notamment celles relatives au Smic. Ces précisions complètent la définition de l’ORE et évite les critiques faites par l’opposition accusant la mise à jour des critères de l’ORE dans le temps de favoriser une nouvelle forme de dumping social.


Le Sénat et l’Assemblée Nationale ont prévu que le projet personnalisé pourra être élaboré par tout organisme participant au service public de l'emploi, en liaison avec le nouvel opérateur qui résultera de la fusion de l'ANPE et des Assedic ; dans ce cas le PPAE lui est transmit pour information.

 

Les critères de l’offre raisonnable d’emploi évoluent dans le temps :

  • - après 3 mois de chômage :
  • L’ORE doit être compatible avec ses qualifications, être rémunéré à 95 % du salaire antérieur, tout en restant dans la zone géographique définie pour sa recherche.
  1.   - après 6 mois de chômage :
  • L’ORE doit être rémunéré à 85 % du salaire antérieur et être situé à une distance telle qu'elle n'entraîne pas un trajet d'une distance de plus de 30 km ou un temps de transport en commun supérieur à 1 heure entre le domicile et le lieu de travail. L'existence de ces deux critères alternatifs est adaptée aux différences de situation entre les demandeurs vivant en zone urbaine et ceux domiciliés en zone rurale.
  1.   - après 12 mois de chômage :
  • L’ORE doit être rémunéré à un salaire supérieur ou égal à l'allocation dont bénéficie le demandeur d'emploi ; il ne peut toutefois être inférieur au salaire normalement pratiqué dans la région et dans la profession et ne peut contrevenir aux règles législatives et réglementaires relatives au salaire minimum.

 

 

Lors des débats, un échange s’est fait sur les difficultés de transport (zones mal desservies ou horaires incompatibles avec ceux du salarié –travail de nuit-) et les circulaires d'application de la loi devraient préciser que les transports en commun doivent fonctionner pendant les horaires de travail pour que l'offre d'emploi soit considérée comme raisonnable.

 

Par un amendement il a été également précisé que ces délais sont prorogés à due proportion pour le demandeur d’emploi qui suit une formation prévue dans son PPAE.


Le projet personnalisé d’accès à l’emploi sera actualisé régulièrement, au moins une fois par trimestre afin d’accroître les perspectives de retour à l’emploi.

 


► Les sanctions


La sanction aux manquements est la radiation dans les cas où le demandeur d’emploi :

  1. - ne peut pas justifier de l’accomplissement d’actes positifs et répétés en vue de retrouver un emploi, de créer ou reprendre une entreprise,
  2. - qui sans motif légitime  refuse à deux repriser une offre raisonnable d’emploi.

 

 

 

Soit, sans motif légitime :

  1. - refuse d’élaborer ou d’actualiser le projet personnalisé (nouveau),
  2. - refuse de suivre une action de formation ou d’aide à la recherche d’emploi,
  3. - refuse de répondre aux convocations des services de l’emploi,
  4. - refuse de se soumettre à une visite médicale auprès des services médicaux,
  5. - refuse un contrat d’apprentissage ou de contrat de professionnalisation,
  6. - refuse une action d’insertion ou une offre de contrat.

 

La loi indique par ailleurs qu'un décret en Conseil d'État déterminera les conditions de radiation pour « la personne qui a fait de fausses déclarations pour être ou demeurer inscrite » sur la liste des demandeurs d'emploi. Cette distinction entre les deux types de radiations avait été introduite à l'Assemblée nationale pour ne pas créer d'amalgame entre ceux qui recherchent véritablement un emploi et ceux qui abusent du système.


 

► Recours nouveau : un médiateur particulier


Il est créé, au sein du nouvel opérateur issu de la fusion ANPE-Assédic, « un médiateur national » chargé de recevoir et de traiter les réclamations individuelles relatives au fonctionnement de cette institution, sans préjudice des voies de recours existantes. Ce médiateur coordonne l'activité de médiateurs régionaux, placés auprès de chaque directeur régional, qui reçoivent et traitent les réclamations dans le ressort territorial de la direction régionale. Les réclamations doivent avoir été précédées de démarches auprès des services concernés.

 


► Date d’application


Pour les personnes déjà inscrites au chômage ou qui le seront d'ici l'entrée en vigueur du texte, les délais entraînant modification des critères de l'ORE seront décomptés à partir de la date où leur PPAE est défini [suivant les nouvelles règles] ou actualisé une première fois, consécutivement à la réforme.



► Dispense de recherche d’emploi


La loi acte le relèvement progressif, à l'avenir, de l'âge d'accès à la DRE (dispense de recherche d'emploi). Le dispositif doit être supprimé définitivement en 2012, sauf si le rapport « sur l'impact sur le retour à l'emploi des intéressés », qui doit être remis au Parlement avant le 30 juin 2011, plaide en faveur d'un aménagement de la législation.


L'âge d'accès pour les demandeurs d'emploi indemnisés va donc passer de 57 ans et demi actuellement (ou 55 ans sous conditions) à 58 ans en 2009, 59 ans en 2010 et 60 ans en 2011. Pour ceux indemnisés en ASS ou non indemnisés (qui peuvent bénéficier aujourd'hui de la DRE dès 55 ans), le relèvement est fixé à 56 ans et demi en 2009, 58 ans en 2010 et 60 ans en 2011. Le mécanisme de dispense sera ensuite supprimé au 1er janvier 2012, mais restera en vigueur pour ceux l'ayant intégré auparavant.


À l'occasion du débat sur cet amendement, Laurent Wauquiez a présenté quelques éléments de bilan de l'accompagnement personnalisé mis en oeuvre pour les seniors depuis le début de l'année 2008 et qui bénéficiera à partir du 1er janvier 2009 à tous les demandeurs d'emploi âgés de 55 ans et plus.


Les premiers entretiens personnalisés pour les seniors ont été mis en place en avril 2008 : 258 945 entretiens ont été réalisés, soit 20% de plus par rapport à avril 2007. Le nombre des placements réalisés suite à ces entretiens a, quant à lui, augmenté de 23% sur la même période. Pour l'ensemble du deuxième trimestre 2008, 43 000 seniors ont retrouvé un emploi suite à une mise en relation, soit une augmentation de 17% par rapport au deuxième trimestre 2007, a souligné le secrétaire d'État.

 


► Proportion de personnes potentiellement concernées


Le secrétariat d’Etat estime la fourchette des personnes concernées par l'offre raisonnable d'emploi à environ 5% des demandeurs d'emploi. Ce pourcentage s’il est faible n’est pourtant pas anecdotique.


Par ailleurs, le secrétaire d'État a estimé qu’il faudra également « toiletter les offres d'emploi non réalistes ».

 

Pour visualiser le courrier de Laurent WAUQUIEZ, relatif à ce projet de loi : R-forme-service-public-emploi.pdf R-forme-service-public-emploi.pdf

 


Rédigé par Eric STRAUMANN

Publié dans #Actualité

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