Rhénalu - Alcan - Rio Tinto : la réponse de Christine Lagarde

Publié le 7 Décembre 2007


Séance publique de l'Assemblée nationale du 5 décembre 2007
Groupe Rio Tinto
M. le Président : La parole est à M. Jean-Paul Bacquet, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

 

M. Jean-Paul Bacquet : Monsieur le Premier ministre, comme vous le savez, le pouvoir d’achat constitue la préoccupation principale des Français. Mais le pouvoir d’achat, c’est aussi l’emploi, et l’on ne peut que s’inquiéter de voir disparaître de nombreuses entreprises françaises. Hier, sous le gouvernement dont vous étiez membre, monsieur le Premier ministre, ce furent Metaleurop, Daewoo, Alcatel, Giat Industries, Alstom, et tant d’autres. Aujourd’hui, plus de 10 000 emplois sont en péril sur les sites d’Issoire, de Neuf-Brisach, de Tarascon, de Voreppe et de Lucenay-lès-Aix, dans ce qui fut autrefois la prestigieuse entreprise française Pechiney, premier aluminier européen.

 

 
M. Michel Bouvard : Cela ne serait pas arrivé si vous vous étiez battus en 1999 !

 

M. Jean-Paul Bacquet : Il y a moins de cinq ans, Pechiney a été vendu 5 milliards de dollars au groupe canadien Alcan. Celui-ci vient de le vendre 44 milliards de dollars au groupe anglo-australien Rio Tinto, et le groupe BHP Billiton en propose déjà 140 milliards dans une OPE.

 

Alors que dans cette surenchère capitalistique indécente, Pechiney va mourir une deuxième fois,…

 

M. Michel Bouvard : Vous devriez avoir honte !

 

M. Jean-Paul Bacquet : …Rio Tinto s’engage à augmenter de 30 % les dividendes versés à ses actionnaires en 2007, et d’au moins 20 % les deux années suivantes, sans se préoccuper bien sûr du pouvoir d’achat des salariés !

 

M. Michel Bouvard : Se permettre de donner des leçons dans pareil contexte est indécent !

 

M. Jean-Paul Bacquet : De plus, ce groupe vient d’annoncer la vente de 15 milliards de dollars d’actifs, en particulier ceux concernant les produits usinés fabriqués en France pour l’emballage, l’automobile et l’aéronautique.

Monsieur le Premier ministre, ma question, Frédérique Massat, Jean-Yves Le Déaut, André Vallini et Christian Paul pourraient également vous la poser puisque l’ex-Pechiney est également implanté dans leur circonscription. Il est urgent de trouver un repreneur qui assure la pérennité des emplois et de l’entreprise, laquelle risque d’être vendue pour la quatrième fois en cinq ans. Quelles garanties pouvez-vous nous donner que ce repreneur sera non pas un financier, qui après avoir fait fructifier les actifs se débarrassera de l’entreprise, mais un industriel ?

 

Après la deuxième mort de Pechiney et la vente de la technologie française, il ne serait pas tolérable de perdre la maîtrise de la filière aluminium dans l’aéronautique, l’automobile et l’emballage. Monsieur le Premier ministre, avez-vous une quelconque politique industrielle pour la France ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.– Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

 

M. Michel Bouvard : Il fallait y penser en 1999 !

 

M. le Président : La parole est à Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi.

 

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie, des finances et de l’emploi : Monsieur le député, vous avez raison (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine), le groupe Rio Tinto s’appelait auparavant Alcan et encore avant Pechiney. Il s’agit aujourd’hui de 15 000 salariés répartis dans trois types d’activité : les produits usinés, la bauxite et l’aluminium en amont, et l’emballage. Nous avons appris, à l’heure où l’opération de rachat d’Alcan par Rio Tinto pour un montant d’environ 38 milliards de dollars se clôturait, que ce groupe faisait lui-même l’objet d’une OPA par un de ses concurrents.

 

Dans ce contexte, j’ai téléphoné au patron de Rio Tinto (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine) pour lui demander ce qu’il entendait faire concernant la division « emballage ». Alcan avait pris l’engagement de trouver un repreneur pour l’intégralité de cette activité. Rio Tinto avait accepté. Je lui ai donc demandé d’exiger le même engagement du futur repreneur.

 

S’agissant de la branche « produits usinés », nous avons des moyens de pression car, lorsque Rio Tinto a réalisé son opération, je lui avais demandé de prendre des engagements dans la mesure où certains de ces produits, ont des utilisations militaires et aéronautiques. Il va de soi que le repreneur devra souscrire aux mêmes engagements, qui sont assortis de sanctions. Nous y veillerons très fermement.

 

J’ai par ailleurs demandé au patron du groupe Rio Tinto de rester en contact très étroit avec tous les acteurs, que vous avez du reste mentionnés. Je veux parler des acteurs locaux, qui ont le souci de l’emploi dans leur circonscription. Je veux parler de l’ensemble des représentants du personnel. Ils doivent être associés le plus en amont possible à tous les projets, quels qu’ils soient, en insistant sur la nécessité de reprendre des activités dans leur intégralité.

 
S’agissant enfin des voyages que les membres du Gouvernement effectuent à l’étranger, sachez qu’au terme de celui que je viens d’achever, puisque je suis rentrée cette nuit, 5 milliards de dollars de contrats ont été ramassés. Cela correspond à quelque 3 500 emplois en France. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Il faut aussi se souvenir de l’activité que nous menons pour créer des emplois en France et pour défendre ceux qui existent. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)



Rédigé par Eric STRAUMANN

Publié dans #Actualité

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