Les classes moyennes, grandes oubliées des baisses d’impôts

Publié le 8 Septembre 2015

Les classes moyennes, grandes oubliées des baisses d’impôts

Le Président de la République a annoncé, lundi matin, une nouvelle baisse d’impôt sur le revenu au titre de l’année 2016. Celle-ci concernerait « plus de 8 millions des foyers » pour un coût budgétaire « supérieur à 2 milliards d’euros ». Censée être gagée par des économies supplémentaires, celle-ci sera en réalité financée par l’emprunt, le Gouvernement ne pouvant à la fois compenser ses engagements nouveaux en dépenses et en recettes.

Si l’initiative de réduire la pression fiscale sur les ménages est la bienvenue dans un contexte d’augmentation massive de l’impôt sur le revenu (IR) depuis 2012 (1), force est de constater que ce geste ne concernera pas les classes moyennes, qui ont pourtant supporté la majeure partie de ces hausses (2). Cette promesse risque d’accentuer la concentration de l’IR et, partant, d’en affaiblir le consentement (3).

1. Depuis 2012, les ménages ont consenti près de 10Md€ de hausses d’impôts au seul titre de l’IR

Depuis 2012 plusieurs mesures de hausses d’impôt sur le revenu ont été prises par le Gouvernement pour un impact d’environ 10Md€ :

  • la suppression de la défiscalisation des heures supplémentaires ;
  • l’abaissement du plafond de l’avantage fiscal retiré du quotient familial de 2 336 à 1 500 € ;
  • la fiscalisation de la participation des employeurs aux complémentaires santé ;
  • la fiscalisation des majorations de pension pour charges de famille ;
  • la poursuite, en 2013, du gel du barème de l’impôt sur le revenu ;
  • l’assujettissement au barème de l’impôt sur le revenu des revenus du capital et la création d’une tranche à 45 %.

2. Pourtant, les classes moyennes, qui en ont supporté les trois quarts, ne bénéficieront pas de la réforme annoncée, de même qu’en 2014 et 2015

L'effort fiscal au titre de l'impôt sur le revenu a en effet été concentré sur les classes moyennes et supérieures, c'est-à-dire sur les deux derniers déciles de revenu imposable. Il s'agit là des ménages gagnant plus de 3 000 € par mois pour un célibataire et 4 500 € pour un couple soumis à imposition commune.

En effet, les « gestes fiscaux » de ces deux dernières années (revalorisations exceptionnelles de la décote, mise en place d'une réduction exceptionnelle d'impôt sur le revenu en 2014, suppression de la 1ère tranche du barème de l’IR, réforme de la décote) n’ont eu vocation qu’à diminuer le nombre de contribuables. Seuls 46,4 % des foyers fiscaux auront payé l’IR en 2015.

3. Le Gouvernement fait le choix de diminuer le nombre de contribuables, au risque d’accentuer la concentration de l’impôt et, partant, d’en fragiliser le consentement.

Environ 10 % des foyers fiscaux acquittent 70 % de l'IR, tandis que leurs revenus représentent 34 % de la masse de revenu imposable. Cette concentration excessive de l'IR, conjuguée aux effets des fortes hausses d'impôt pour les déciles situés en haut de la distribution des revenus, pourrait affaiblir à nouveau le consentement à l'impôt et, donc, accentuer le risque de délocalisation des contribuables, comme en témoigne l’augmentation du nombre de départs pour l’étranger de ménages dont le revenu est supérieur à 300 000 € (251 en 2011, 450 en 2012 et 659 en 2013). Or, leur départ pourrait avoir des conséquences importantes sur le rendement de l’impôt sur le revenu, dont l’exécution a été inférieure à la prévision de près de 5Md€ en 2013 et 2014.

Conclusion

Après avoir massivement augmenté la fiscalité pesant sur les ménages depuis 2012, le gouvernement s’est engagé – du moins au titre de l’impôt sur le revenu – à en corriger les excès au travers de mesures ponctuelles qui ne permettent de renforcer ni l'efficacité, ni la lisibilité ni l’équité de notre système fiscal. Ces mesures ne bénéficient pas aux classes moyennes, qui ont pourtant largement pris part à l’augmentation massive de l’impôt sur le revenu depuis 2012, renforçant d’autant la concentration de cet impôt et le sentiment d’injustice qui en résulte. Conjuguée à une absence de financement identifié, cette annonce ne présente qu’une finalité électoraliste.

Rédigé par Eric STRAUMANN

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